Conservateur pour les gauchistes et subversif pour les gaullistes, trop solidaire de Moscou pour beaucoup de ses partenaires et trop détaché du Kremlin pour certains de ses militants, taxé par les Chinois de révisionnisme et par les libéraux de néo-stalinisme, le parti communiste français est aujourd’hui un sujet de débat permanent.
Le livre passionnant qu’Annie Kriegel vient tout juste de publier sous le titre les Communistes français (1) ne tranchera pas la querelle ; mais il apporte au meilleur moment une information considérable et, surtout, aborde enfin le problème sous un angle jusqu’ici trop négligé et que chacun savait pourtant capital. Il s’agit en effet, comme l’indique le sous-titre, d’un essai d’ethnographie politique. Ce que veut Annie Krigel, c’est donc étudier le P.C.F. en tant que groupe humain, comme une microsociété. Elle le fait avec une belle vigueur d’expression, une richesse et une rigueur dans l’exploitation des sources qui sont d’une historienne de race, mais aussi une passion affleurante qui rappellerait vite, si la courte biographie de l’auteur ne le faisait pas, qu’avant d’étudier le communisme en scientifique, Annie Kriegel l’a vécu en militante. Ce qui, comme tous les anciens communistes de qualité, la dote d’une sensibilité à la fois aiguë et un peu douloureuse.
