Il y a un génie de la langue française, mais personne ne l’a jamais vu. Voltaire le définit ainsi dans son Dictionnaire philosophique :
» On appelle génie d’une langue son aptitude à dire de la manière la plus courte et la plus harmonieuse ce que les autres langues expriment moins heureusement.
En guise d’ouverture, glissons cette petite remarque qui est un détail dans l’histoire de la langue française, mais qui semble empreinte d’une curieuse valeur symbolique : en français, le mot intraduisible est apparemment une création de Dominique Bouhours, l’auteur même auquel est le plus associé le motif du « génie de la langue » au XVIIe siècle. Étonnante coïncidence. C’est en tout cas à un passage de La Manière de bien penser dans les ouvrages d’esprit (1687) que le Trésor de la langue française , passage où Bouhours n’en assortit d’ailleurs pas l’emploi d’une de ces gloses méta-énonciatives du type si je puis dire, qu’il recommandait en cas de néologismes. Le mot était-il donc déjà attesté en 1687 ? Cette formation française était-elle jugée transparente et recevable par les oreilles du récepteur potentiel ? Pour le moment, en tout cas, après des recherches faites avec les moyens numériques d’aujourd’hui, nous n’avons pas réussi à antidater le mot.